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LA PENICHE DECOLLE
La péniche a décollé. Atterrissage dans la Baltique, prévu dans 22 mn.

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Lundi 21 septembre, Helsinki.
C'est dans la nuit bleutée d'Helsinki que la péniche Europodyssée a posé sa coque dans la mer Baltique. On s'y est tous mis pour remplir la soute de charbon. Le fond de l'air est nettement plus frais qu'à Stettin. On est passé de l'été à l'hiver sans transition.

Mardi 22 septembre
Ce matin, un luxueux mini-bus nous attend sur le quai. A son bord, Ulla et Sarri, responsables de l'Office culturel d'Helsinki
, un chauffeur et une traductrice. Toute la matinée, visite guidée de la capitale. Incrédules, nous allons de surprise en surprise devant tant d'égard et d'organisation. Heureusement pour l'aventure, trois vedettes des douanes déboulent à l'abordage dans ce tableau hydillique. Nerveux, les hommes en rouge. Sérieux, pas causants. Et puis, grands. Costauds. Papiers du bateau, inspection. Un homme, le chef, demande les certificats de Lili la chatte et de ses petits nés à Stettin. Mais de papiers, que nenni ! L'homme aux yeux cachés par de grosses Ray-ban, veut abattre toute la gente animale présente à bord. C'est à ce moment-là qu'Ulla est intervenue. Petit tour avc le chef sur le pont, à l'air frais, deux minutes plus tard, retour à l'intérieur, tout est fini : nous sommes les hôtes de la ville et les douaniers ne le savaient pas. Explications : les gardes-côtes étant placés sur une île au centre de la seule passe de port, nul bateau ne peut entrer à Helsinki ou en sortir sans être identifié... sauf si celui-ci se trouve sur un autre bateau. Alors, notre péniche de toutes les couleurs, à la place d'honneur, sans que personne ne l'ait vu entrer avait quelque chose de vexant pour les douaniers finlandais.

 

Mercredi 23 septembre
La journée a commencé par un petit tour au marché. Principalement des étals de saumons fumés, grillés, séchés, salés, marinés, frais... Et des vêtement en pure laine pour affronter l'hiver. Dans le port, c'est le spectacle d'énormes ferries de 10-12 étages manoeuvrant. Ils partent vers la Norvège, la Suède ou la Lettonie. Puis, petit tour dans le parc de la mairie et cueillette de champignons : cèpes, morilles, girolles ou trompettes de la mort. En plein centre ville ! En soirée, Marco, l'officier garde-côte, un géant, nous rend visite avec de la vodka. On boit, et on parle de ce qui nous reste à franchir : la mer Baltique. Je crois que ce soir-là, notre ami est parti en ayant compris quelque chose, nous n'y connaissions rien en navigation maritime.

Vendredi 2 octobre - Lina.
Depuis deux jours, il neige... La glace se forme la nuit pour fondre le jour mais quand-même, les conditions climatiques deviennent inquiétantes. Les cinq derniers jours passés sur l'île des garde-côtesd ont été consacrés au montage des films pour France 3 et nous avons encore pris du retard. Un plaisir de chaque instant mêlé à de l'insouciance permet à l'équipage de garder le moral. Demain nous partons vers l'inconnu, mais pas seuls. Sur l'île nous avons fait la connaissance d'Ari, un ami de Marco. Ari, nous l'avons rencontré un soir, il nous a proposé un sauna à bord d'un ancien trois-mâts dont il est le capitaine
. La mer Baltique, c'est sa vie. Nous sommes en de bonnes mains. Mais nous, petits Français, serons-nous à la hauteur ?

ARRIVEE A HELSINKI
Arrivée d'Europodyssée au port d'Helsinki
FRED A LA BARRE DANS LE GOLFE DE FINLANDE
Fred à la barre dans le golfe de Finlande
aux mille îles

 

Samedi 3 octobre - Lina.
D
ois-je vraiment écrire le journal de cette journée ? Après tout, nul ne m'oblige à raconter... Bon, rapidement : Réveil 5h00, départ 6h30, direction Kotka, 120 kilomètres. 500 mètres après la sortie du port, panne de gazole. Attente, secours, remorquage, station-service, plein des cuves, nettoyage des filtres, réamorçage. Retour point de départ. Nouveau départ demain, même heure. Rien à ajouter...

Dimanche 4 octobre - Kotka.
Les pêcheurs l'avaient dit, la météo serait excellente. Départ 6h00 avec Ari et sa copine. Le soleil se lève paresseusement et découvre des merveilles. Des centaines d'îles où se pressent des sapins, des bouleaux aux couleurs de l'automne. Sur les roches granitiques arrondies par le temps, des couches de lichens roses, rouges, bleus s'étendent loin de toute pollution. Dans ce superbe décor, les Finlandais ont posé leurs maisons. Faites de bois, leurs couleurs pastel s'harmonisent parfaitement avec la nature. Pas le moindre îlot sans une habitation et bien entendu une embarcation. Dans ce labyrinthe anarchique la navigation se fait grâce à des alignements, panneaux rouges et jaunes qui doivent se superposer. En permanence, Ari consulte sa carte et nous donne quelques leçons. La carte edst couverte de signes indiquant les rochers affleurants. Il faut rester très vigilant, il y en a partout. La Baltique est parfaitement calme dans ces lieux protégés du vent et nous arrivons à Kotka à 16h30. Moyenne, 11km/heure. Tout l'équipage se couche très tôt car demain nous rejoignons l'île de Haapasaari, en pleine mer.

 

Lundi 5 octobre
Matinée passée à s'équiper pour affronter les rigueurs de l'hiver. Achat d'une radio de bord aux fréquences maritimes. La météo est mauvaise, notre départ est repoussé à demain. Un épais brouillard s'étale, pesant, sur la nuit.

Mardi 6 octobre
Repas, derniers appels en France et départ en début d'après-midi avec une météo pas fameuse. Après un début calme entre les êles, les choses se gâtent au large. De plus en plus de vagues, les creux s'accentuent. Ca fait très peur. Ari, à la barre, ne paraît pas très rassuré. Concentré, il scrute la mer, manoeuvre sans cesse pour essayer d'éviter les gros rouleaux nous frappant de travers. La péniche se cambre, s'écrase, tangue. Sa carcasse ondule d'un bout à l'autre comme un objet mou. J'ai une pensée pour les ouvriers qui ont riveté la coque d'Europodyssée, quelque part en Belgique, en 1931... Bénissons leur savoir-faire et leur amour du travail bien fait, parce qu'aujourd'hui, il va falloir que cela tienne ! Ons réveille les filles. Jeanne vomit trois fois. Alice pleure. Tout dégringole. Plein de verres cassés. Ampli et platine tombés, cassés. Ordinateur tombé. Confitures, lentilles, pâtes renversées, boutilles d'huile, de vinaigre, de soya, répandues partout. Le piano traverse régulièrement la pièce pour s'écraser sur la table de montage vidéo. Tout va en s'empirant. Du canapé, au plus bas de la cale, on voit la mer frôler les écoutilles par la fensêtre de la cuisine... Cécile demande à Ari s'il faut mettre les gilets de sauvetage aux filles.. Celui-ci répond : "Yes". Muriel lui demande si on ne peut pas aller sur l'île qui est en vue. Celui-ci répond : "No". Je vomis, et Alice me rejoint à quatre pattes. Jeanne ressemble à une poupée de chiffon. Cécile prévient lorsque Ari vire de bord. C'est vraiment très impressionnant. Les vagues s'écrasent sur les écoutilles, les creux sont de trois, quatre mètres... Et ainsi pendant deux heures. Nous atterrissons a dit Ari avec un grand sourire, visiblement heureux et soulagé. Et c'est ainsi que nous sommes arrivés à Haapasaari. Les gardes-côtes viennent à notre rencontre et nous indiquent la passe... La péniche est trop grande pour entrer dans le port, on reste à l'extérieur, à un endroit un peu protégé. Gros ménage intérieur et bain salvateur pour Jeanne et Alice. Le soir, notre super héros Ari nous quitte. Longuement nous regardons sa silhouette sur le pont d'une vedette disparaître à l'horizon. Nous sommes très émus tous, car nous savons très bien ce que nous lui devons. On dit que l'amitié se forge au fil du temps et des épreuves partagées. C'est fou ce que la mer peut parfois accélérer les choses. Ce soir-là, sur Europodyssée, nous étions tous comme des petits orphelins.

EUROPODYSSEE MANGE LA MER
Le sourire d'Europodyssée mange la mer Baltique
 

 

Mercredi 7 octobre
Cécile et moi sommes partis à la découverte de l'île. Des garde-côtes, des radars, quelques maisons et une épicerie. L'épicière nous dit que mis à part les militaires, il doit y avoir quatre ou cinq personnes sur l'île en hiver, y compris elle et son mari. Pourtant cette épicerie du bout du monde ouvre quelques heures chaque jour pour les pêcheurs de passage. En retournant au bateau, cueillette de champignons désormais congelés sur pieds. Excellents.

Mercredi 14 octobre
Drôle de journée pour l'anniversaire de Cécile. Le vent a commencé à souffler dans la nuit. Deux amarres ont lâché. A midi, les appareils de mesure indiquent un vent de force 12. C'est la tempête et la péniche n'est pratiquement pas abritée. Les tuyaux de chauffage se tordent, les radiateurs tombent, s'éventrent. L'eau se répand à l'intérieur. Cécile, Muriel, Jeanne et Alice vont chez le seul couple habitant l'île (hormis les épiciers). Accueillant, le couple de retraités donne des jouets aux filles et porpose café et gateaux. Ils conseillent de rester la nuit chez eux. Pendant ce temps, les garde-côtes finissent par prêter des amarres et nous aident. Le soir, sauna chez nos hôtes. Cécile, les filles et moi, dormons dans un petit cabanon au fond du jardin.

LES VAGUES DEVIENNENT MECHANTES
En Baltique, le temps change vite. En péniche (fond plat) c'est plus qu'impressionnant !

 

Samedi 17 octobre
Le moral commence à baisser. On passait nos journées à regarder la carte, à glaner auprès des pêcheurs quelques tuyaux
, à attendre que le vent et la mauvaise mer cessent enfin. Encore une fois, c'est la solidarité des hommes rencontrés qui va nous permettre de continuer l'aventure.

Dimanche 18 octobre - Hamina
Trois heures de traversée. Europodyssée allait à 7,3 noeuds (13 à l'heure) au compteur des bateaux des garde-côtes chargé de notre escorte. La mer était peu agitée. Nous étions dans le sens des vagues et Europodyssée a tracé son sillon, vaillante, son sourire mangeant l'écume avec délice. Après une entrée sinueuse dans Hamina, nous nous sommes amarrés dans le petit port devant le café, lieu de notre rendez-vous. De l'avis général des personnes avec qui nous avons passé la soirée, accoudés au comptoir comme des marins au long cours, Europodyssée est un bon bateau. Elle ne chavirerait pas dans le golfe de Finlande. Même par temps de tempête. Nous avons quitté nos bruyants amis rassurés.

Lundi 19 octobre
Dans la nuit, la glace s'est formée dans le port. Mais elle n'a pas fondu de la journée. Philippe et Véro, nos amis producteurs de films, sont arrivés de Paris en voiture. Nous feur faisons partager notre connaissance du finlandais en trinquant, "ki-piss", et en faisant un point précis de la situation. "Nous sommes ici, il faut aller là, et vite". Puis nous refaisons le monde longtemps, protégés de la nuit glacée par les épaisses vitres du café du port, celui des marins, où les histoires de tour du monde qui n'en finissent pas de finir laissent la place au karaoké. Cécile, Muriel, Philippe et Fred chantent les Beatles devant un public hilare.

 

Samedi 24 octobre
Nous avons passé nos journées à arrimer moto, gaz, antenne. Nous avons posé des renforts aux radiateurs, étagères et autres lieux sensibles au tangage. Enfin vérification et vidange du moteur, plein à déborder de la soute à charbon. Les filles sont en super forme et on dirait des petits lutins avec leurs nez et leurs joues toutes rouges. "Bientôt, mes filles de la fenêtre de votre chambre, vous verrez la Russie".

Dimanche 25 octobre
Ses deux mètres pour 120 kilos ont eu du mal à passer la porte de la péniche. Alice l'ayant reconnu, s'est aussitôt précipitée dans ses bras : elle adore les montagnes. Derrière Marco, il y avait Ari qu'on ne voyait pas, qui était lui aussi heureux d'être avec nous. Le couple providentiel était enfin arrivé ! Europodyssée s'en est allée dans le bruit cristallin de myriades d'éclats de glace. Escortés par un bateau de pêcheurs (jamais nous ne dirons assez la façon formidable dont les Finlandais s'impliquent dans notre histoire), nous naviguons de nouveau protégés par des îles vers Santio à trois kilomètres des eaux territoriales russes. Superbes paysages, le ciel bas et noir donne un contraste irréel. Nous aimons de plus en plus le golfe de la Baltique avec partout cette superbe liberté qu'affiche la nature marquée par les rigueurs climatiques. Après trois heures de navigation, nous mouillons dans un petit lagon de granite et de joncs. Dans la forêt on devine quelques baraquements parfaitement intégrés. Marco retrouve ses amis garde-côtes, seuls occupants de ces lieux. Sur ce dernier petit caillou finlandais, je ne sais pourquoi, nous avons soudain une pensée émue pour les Parisiens et particulièrement pour ceux compressés dans le métro. Il est 18h00. Ici, c'est l'heure du sauna. Nous avons décidé avec Marco et Ari qu'Europodyssée suivra la côte. Il est trop risqué de vouloir rejoindre le chenal au milieu de golfe. On verra bien ce que feront les Russes. De plus, les filles ne resteront pas sur le bateau pendant cette traversée, je les emmène avec la voiture de nos amis.

ARI ET MARCO SONT REVENUS
Ari et Marco, le "couple providentiel"

 

LA BOUSSOLE NE MARCHE PLUS
"Marco essaie de comprendre quelque chose à la carte, parce que la boussole, que dalle !"

 

 

 

 

 

 

REMORQUAGE PAR UN ARTILLEUR RUSSE
"Le bateau militaire russe nous a remorqué vers la pleine mer à 18/20 noeuds !"

 

 

Lundi 26 octobre
Au petit matin, après deux ou trois blagues du genre : "Rendez-vous devant le Potemkine" ou encore "N'oubliez pas la vodka", Europodyssée a disparu dans la brume. Pour Cécile et moi, il est très pénible de voir s'éloigner notre péniche. Bien sûr, Marco et Ari ont l'expérience qui rassure. Bien sûr, grâce à la radio portable nous pourrons rester en contact, nous l'espérons, en permanence (portée 50 kilomètres). Bien sûr, il n'y a que 200 kilomètres jusqu'à St-Pétersbourg et la météo bien que pas excellente (force 3) n'envisage pas d'aggravation d'ici 48 heures. Notre premier contact radio a eu lieu alors que nous étions à vue de la grontière russe. Fred nous dit que tout va bien à bord. Ils ont croisé un bateau militaire russe mais celui-ci n'a pas bougé. Il pense donc être en Russie. Nous passons la frontière sans problèmes. A midi, sur une petite route empruntée pour suivre la côte, on s'arrête dans un vilage pour manger. 2,50F pour 4 repas... Nous avons l'impression d'être dans un autre monde, et de faire extra-terrestres avec nos dollars (la tête ailleurs, nous n'avons pas fait de change). De tout l'après-midi, aucun contact radio avec Europodyssée. Le soir nous prenons une chambre dans un hôtel face à la Baltique, à Saint-Pétersbourg.

Mardi 27 octobre - St-Pétersbourg
Les autorités maritimes russes nous disent que le bateau est à Viborg. A Viborg, 200 km plus loin, on nous dit qu'il est à vue de St-Pétersbourg... En fait, personne ne connaît sa position. Retour au même hôtel, face à la Baltique, après quatres cents kilomètres sous la neige sur des routes défoncées, très vite enveloppés par la nuit aui arrive vers 16h00. Pas envie pour l'instant de m'étendre sur les lieux où nous sommes passés, mais c'est du délire.

Mercredi 28 octobre
Juste sous le balcon, sept étages plus bas, le long des quais, devant un ferry, Europodyssée ! Tout l'équipage a l'air fatigué. Fred, tellement excité, a du mal à être clair dans ses explications. "Le bateau militaire russe nous a arraisonnés. Interdit de continuer, Alors, tu vas pas me croire mon pote, ils nous ont remorqués vers la pleine mer pendant trois heures ! 18 / 20 noeuds ! De la folie ! Et là, ils nous larguent et s'en vont en disant, "C'est par là". Fred montre le large d'une main vague, Marco et Ari opinent de la tête pour confirmer et Fred reprend : "On a navigué toute la nuit, à se les peler. On voit des feux. Ari pense que c'est St-Pétersbourg. Marco essaye en vain de comprendre quelque chose à la carte, parce que la boussole, que dalle ! En fait, tiens-toi bien, on longeait un champ de mines ! Je te dis pas l'ngoisse. Finalement on se retrouve le matin, à 5 heures, dans un village de pêcheurs russes. Et là, spir't, c'est de l'alcool à 96° coupé avec un peu d'eau. Rétamés. Le lendemain on repart vers le chenal, et là, je te dis pas les vagues. Elles gelaient sur les écoutilles, tout s'est recouvert de glace. Je descends dans la salle des machines et je vois trois boulons du bloc moteur sur huit cassés ! Enfin, de jour, on a trouvé le chenal, la nuit, c'était impossible, aucun feu ne fonctionne. Un pilote est monté, ils attendent dans un bateau pourri au milieu du glofe et on est arrivé à 3h00 du matin".

Et maintenant : Moscou ?

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